C'était le 17 mars 2006. Nicolas Klotz tourne son nouveau long-métrage intitulé
La Question Humaine. Son équipe et lui campent dans la Sarthe pour une semaine, pour une partie de campagne autour de Roëzé les premiers jours, puis au Mans lors des suivants.
Amalric est du casting, je le lis le matin même dans le journal. Comme il s'agit d'un de mes acteurs français préféré et que je n'ai rien de prévu cette après-midi là , je me rends sur le lieu du tournage, place Gambetta.
Klotz est présent, l'oeil dans la caméra, entouré d'une petite équipe. Les archives municipales servent de décor, apparemment transformées pour l'occasion en école de musique. Des enfants sortent du bâtiment, suivis par Michael Lonsdale qui vient donner la réplique à Amalric, qui se tient sur le parvis. Je regarde les prises qui défilent pendant une demie heure, une heure... Jusqu'à ce que la bonne soit en boîte.
L'équipe déménage le matériel une rue plus loin pour la séquence suivante, qui si mes souvenirs sont bons, se trouve être un plan à l'épaule particulièrement compliqué à mettre en place. Je discute rapidemment avec la chep-op, qui me dit qu'elle a fait une école au Canada, parcours selon elle indispensable pour commencer dans la profession. Puis de loin, j'entends Amalric dire à l'équipe qu'il se rend dans le café d'en face. Je le suis discrètement, dans l'espoir de pouvoir éventuellement lui dire bonjour. Je rentre dans la café, où il fait déjà la queue pour acheter
Libération au moment où je l'aborde, en lui disant "Bonjour, excusez-moi, j'aime beaucoup votre travail dans les film de Desplechin", et lui de me répondre "Ah bah c'est lui". Je lui demande si je ne le dérange pas, qu'on doit souvent lui faire le coup dans la rue, et que peut-être il en a marre; et lui, toujours avec beaucoup de modestie "Ah non...". On discute trente secondes en se vouvoyant quand je lui dis "bon et bien je vais vous laisser travailler", et lui me demande "vous avez le temps de prendre un café ?".
Soyons clair, quand cette question vous est posée par Amalric, vous répondez forcément oui, alors c'est ce qui se produisit : je pris un café avec lui.
Du coup, on a discuté pendant pas mal de temps, sur son expérience autour de Spielberg dans
Munich, film que je n'ai pas vu puisque je ne suis pas fan de sa filmographie ces derniers temps. Mais Mathieu me dit tout le bien qu'il pense de lui, et aussi la difficulté qu'il a ressentie lors de ce tournage d'apprendre ses lignes en anglais, que le barbu à lunettes aime modifier régulièrement au dernier moment, et qui donne également ses indications à toute vitesse.
Puis nous abordons la filmographie de Mathieu en tant que réalisateur, qui m'est beaucoup plus inconnue que celle de l'acteur; puisque je n'ai vu que
Le Stade de Wimbledon. C'est à ce moment là qu'on parle vraiment de réalisation, lui qui se définit volontier plus réalisateur qu'acteur. A son avis, les écoles de cinéma ne servent à rien, pourvu que l'on tourne ses court-métrages le plus souvent possible. Il me révèle même qu'au début, il se fait peintre en bâtiment pendant quelques temps, pour s'en sortir et par la suite, pouvoir exercer la profession à laquelle il aspire. Je lui demande s'il a un projet de réalisation en cours, il me répond de manière affirmative en m'indiquant qu'il souhaite prochainement se retirer de sa carrière d'acteur pour se consacrer à l'écriture. Sur ces bonnes paroles, je lui demande s'il recherche des stagiaires pour ce futur tournage; malheureusement, il ne s'agit encore que d'un projet au stade de l'écriture, les fonds ne sont pas encore récoltés, donc il ne recherche personne pour le moment.
Ayant alors tous deux fini notre café, je lui dis au revoir, presque à contre-coeur, je n'ai pas vraiment envie de le quitter, persuadé de toutes les choses qu'il a encore à m'apprendre, à me dire, pour m'encourager, tel qu'il vient déjà de le faire; mais il doit retourner travailler, et moi, je dois aller continuer l'écriture de mon scénario.
C'est donc une rencontre très enrichissante qui se produisit ce jour là (enfin surtout pour moi !), j'ai eu le plaisir d'échanger mon expérience avec un "vrai", un "grand", qui me conseille de faire exactement ce que je fais si je veux pouvoir vivre un jour de ce métier fantastique. Quelqu'un de très modeste, de très humain, de très vrai finalement.
Nicolas Klotz de dos, derrière sa caméra